Biographie

Dr Christine ROMAGNA

Docteur des Universités, ex MCU-PH en parodontologie,

DU psychosomatique et médiations corporelles

Pratique libérale en Parodontologie, Implantologie, Beaune 21200.

 

Thème de son intervention

« Une Parodontie holistique et scientifique : l’une n’empêche pas l’autre »

En parodontie, nous considérons depuis de nombreuses années le microbiote buccal déséquilibré avec la détection en particulier de bactéries pathogènes. Nous prêtons attention aussi aux prédispositions génétiques, aux causes comportementales tels que le tabagisme ou les insuffisances nutritionnelles en vitamines, et aux facteurs de risque de l’hôte. Les effets du stress sont propices au développement des maladies parodontales, les patients angoissés sont très vulnérables. Des facteurs locaux iatrogènes amplifient les lésions parodontales et expliquent parfois leurs localisations. Nous savons que nombre de pathologies générales ont un lien direct ou indirect avec les parodontites.

Plus récemment, les publications scientifiques ont démontré les liens des parodontites avec le cancer du pancréas, de l’œsophage, les pathologies pulmonaires, les troubles de l’érection, la maladie d’Alzheimer dans laquelle la bactérie Pg semble jouer un rôle…

Il y a donc un AVANT, avec le focus mis sur le caractère infectieux des maladies parodontales, et le regard limité à la cavité buccale. Et un APRES…

Nous sommes sûrs désormais de l’importance des maladies parodontales en rapport avec l’état de santé général du patient. Par conséquent la parodontologie est devenue médicale. La compréhension des mécanismes en jeu s’est approfondie avec le phénomène de dysbiose (MARSH 2003); le cousinage entre dysbiose intestinale et dysbiose du milieu buccal devient évident. Force est de constater que le parodonte est au cœur de la santé toute entière, ce terrain de soutien des dents (os, gencive, desmodonte et cément) étant relié par les mécanismes inflammatoires et infectieux, par proximité ou à distance, avec d’autres organes du corps.

Cela étant, malgré les avancées considérables de la science, la motivation et la coopération des patients en vue de l’acceptation de l’importance de ces maladies, de leur contribution indispensable à la désorganisation du biofilm et l’élimination des bactéries, et au suivi rigoureux des consignes qui leur sont données, restent laborieuses. Les patients se maintiennent souvent passivement dans l’attente du médicament antibiotique, vaccin ou « miracle » qui résoudrait à leur place l’attaque infectieuse et inflammatoire, tant ils sont habitués en médecine à ce type de solutions thérapeutiques. On peut à juste titre penser à la pertinence et l’absolue nécessité d’apprendre des thérapies comportementales et cognitives qui permettraient de corriger le rapport du patient avec sa cavité buccale et favoriser un meilleur résultat des traitements que nous savons leur proposer par ailleurs de façon éclairée par la science et parfaitement justifiés. Il a même été proposé d’établir des profils psychologiques afin que nous puissions mieux cerner nos patients, les cibler, et trouver ainsi des interlocuteurs plus concernés.

Il faut toutefois faire le constat et admettre que nous sommes loin de savoir éviter la récidive de certains patients, qui du coup ne sont pas plus aidés par les solutions dites avancées d’avulsions et remplacement par des implants. Au contraire, le constat est encore pire quand les implants sont eux-mêmes concernés par la péri-implantite. Avec toutes les conséquences financières et le risque de conflit qui en découlent, conflit lié à la plainte du patient insatisfait voire désespéré d’avoir pourtant confié sa bouche à des praticiens experts et avoir été traité selon les critères présumés fiables des données avérées de la science, des valeurs sûres de la technologie et l’usage des meilleurs biomatériaux…

Alors que manque t-il à l’approche scientifique ? Et quelle déconvenue d’échouer malgré le recours aux meilleures techniques, et même au coaching et aux techniques performantes de communication !

C’est là que je me suis interrogée sur le pourquoi et même le pour quoi des maladies parodontales. Je me suis ouverte plus largement à l’écoute des patients en tentant de déceler leurs explications souvent très personnelles de l’apparition de leur maladie parodontale, de leur perception des symptômes et de leurs effets sur la vie quotidienne… En quoi ces symptômes interfèrent-ils avec la trajectoire de l’être humain qui est là présent en face de moi, son vécu, ses expériences ? En quoi cela modifie cette trajectoire et à quelles fins ? Qu’est ce que cet état parodontal révèle de l’état de la personne toute entière, l’état de son désir, de son énergie, de son envie de vivre pleinement ?

Un patient reçu et considéré dans cette entièreté témoigne de sa satisfaction et amplifie à coup sûr le résultat des traitements que nous prenons soin d’appliquer avec technicité, méticulosité et dextérité quand même ! L’un n’empêche pas l’autre, l’un n’exclut surtout pas l’autre.

La bouche est le lieu paradigmatique du développement de l’être humain. Le développement bucco-dentaire à lui seul atteste des différents passages et stades de la vie. Du nourrisson téteur au sujet denté, et au moment de la vieillesse une dégradation physiologique qui l’édente à nouveau.

Une prise en compte , et n’exclut pas non plus la connaissance et l’application de techniques thérapeutiques même chirurgicales. On ne change pas de métier avec l’approche holistique. On ne devient pas psychologue professionnel. Les soins de la bouche restent éminemment basés sur la technicité, la matière, mais la considération du patient dans son entièreté physique, psychologique, émotionnelle, et même spirituelle, améliore la compréhension de ce qui agit dans la maladie, permet au patient de trouver un sens et peut contribuer à déclencher un message que les cellules du corps comprennent, les amenant à stopper le processus de perte et dégradation, retourner leur potentiel et fonctionner vers la réparation, la régénération et la guérison.

 

BIBLIOGRAPHIE

  • MARSH 2003
  • DOUCET P. Maladies parodontales. Nouveaux concepts, nouvelles approches. Rubrique Perspectives. TITANE 5-1, 2008
  • LEGALL M. LAURET F. 2002
  • LIPSCHITZ A. L’un n’empêche pas l’autre. Réconcilier l’âme et le corps, l’humain et le sacré. Livre de poche J’ai Lu, 2007
  • ROMAGNA C., GRENIER C., SIRVEN R. De l’harmonie et de la sérénité dans nos traitements. Réalités cliniques 25 n°3, pp 253-260, 2014