Quelles sont les conséquences sur le développement maxillaire, musculaire et dentaire chez l’enfant allaité ?
De par la position de la langue, pendant la tété, celle-ci a une influence décisive sur la croissance cranio faciale et l’équilibre buccal de l’enfant. Voici ce que démontrent certaines études à propos de l’importance de l’allaitement sur le développement dentaire et du langage (déglutition). Ces conséquences liées à l’allaitement sont totalement ignorées la plupart du temps par les mères et par beaucoup de praticiens dentaires.
Allaitement ou biberon/sucette ?
Plusieurs études rapportent que les bébés qui ont été allaités moins de 6 mois, ont des besoins de succion non nutritive accrus (tétine, pouce) se prolongeant au-delà de l’âge de 3 ans. 30 à 40 % de la population sont concernés, avec une rétrusion mandibulaire, les bords des gencives en contact, le larynx positionné très haut, une forme de palais adéquat. Tout cela est parfaitement adapté à la succion et la tétée. L’allaitement avec utilisation courte d’une sucette ne provoque pas de malocclusion.
C’est surtout la sucette utilisée de façon longue intensive qui nuit à la bonne mise en place de la dentition. Ceci augmente la probabilité de développer une proalvéolie supérieure, un développement maxillaire et une croissance faciale perturbée avec les risques de malocclusion.
Un enfant appartient à deux catégories selon son mode de nourrissage et selon son habitude de succion non nutritive.
Toutes catégories confondues, une malocclusion dentaire a été détectée dans 36% des cas.
C’est parmi les enfants ayant des habitudes ancrées de succion non nutritive que le chiffre est le plus élevé : 42 %. Le chiffre le plus bas (22 %) concerne le groupe d’enfants n’ayant que peu sucé le pouce ou une tétine.
Cette comparaison a donné un avantage à l’allaitement maternel de + de 3 mois (32 % concernés dans ce groupe, contre 41 % dans le groupe nourri par formulation)
Occlusion croisée
Les enfants nourris au biberon présentent une occlusion croisée selon leur mode de nourrissage et l’activité de succion.
L’introduction trop précoce de biberons diminue l’activité musculaire ce qui interfère avec le processus de maturation des crêtes alvéolaires et la maturation du palais. Les durées d’allaitement les plus longues correspondent à des % plus bas de malocclusion croisée. Il y a donc un effet dose-réponse qui confirme que l’allaitement a un effet protecteur.
Ce dysfonctionnement est environ 3 fois moins répandu chez les enfants allaités même en cas d’utilisation de sucette ou pouce.
Fig. 1 : Pourcentage d’enfants présentant une occlusion croisée des dents
du fond selon leur mode de nourrissage et l’activité de succion
Breastfeed : allaitement maternel – Bottle feed : Biberon – SNN+ : Succion non nutritive
Mécanismes mis en jeu lors de l’allaitement prolongé
- Impact de la succion sur le développement du palais
Pendant la tétée, le mouvement de bouche, des lèvres et de la langue du bébé s’apparente davantage à une compression qu’à une succion :
– les lèvres pressent l’aréole,
– la langue comprime le téton contre le palais
Le lait est ingéré grâce à un mouvement de type péristaltique de la bouche.
Avec un biberon, le mouvement est de type piston/aspiration avec une force de poussée accrue sur le palais (ceci est aussi induit avec une sucette). Dans cette configuration, le palais se développe de façon différente ce qui conduit à l’occlusion croisée.
- Impact sur le développement des maxillaires et du muscle masséter
Une étude de cohorte récente (2012) relative à 144 enfants brésiliens (entre 3 et 5 ans) choisis aléatoirement dans la population a confirmé l’effet stimulant de l’allaitement maternel sur le développement musculaire facial. Des tests de mastication ont été réalisés avec ces enfants (capacité à couper de la nourriture, observations des mouvements des maxillaires, des lèvres, utilisation intensive ou non des muscles péri- oraux).
Les meilleures capacités de mastication sont obtenues chez les enfants allaités pendant au moins 12 mois, qui ont utilisé le biberon moins d’un an, et qui ont eu recours à la tétine moins de 6 mois.
Il a également été observé, parmi les enfants allaités, que les capacités de mastication viennent surtout d’une meilleure utilisation du muscle masséter parce qu’en tétant avec d’amples mouvements de la mandibule, l’enfant a favorisé le développement de ce muscle.
Par contre, le recours au biberon met davantage en jeu des muscles péri- oraux au détriment du muscle masséter. Ces résultats avaient déjà été observés dans des études préalables en étudiant directement l’activité myoélectrique du muscle masséter. Il semble que le développement du squelette et de la musculature cranio-faciale soit différente lorsque l’enfant est allaité de manière exclusive.
- Troubles du langage
Une conséquence possible de ces anomalies dentaires concerne les troubles du langage. Une étude de 2009 concentrée sur 128 enfants chiliens âgés de 3 à 5 ans fait écho à des études antérieures et met en évidence plus de troubles de langage en cas de forte utilisation de sucette. Elle montre aussi que l’introduction plus tardive du biberon (au- delà de 9 mois) est également bénéfique.
- Bilan et autres conséquences
C’est bien le déficit de la fonction masticatrice et également des stimulations nécessaires au développement maxillaire et dento-alvéolaire qui explique la prévalence élevée des malocclusions constatée dans nos sociétés.
Prôner l’allaitement maternel et aider les jeunes mamans en difficulté
Différentes études suggèrent que les médecins doivent attirer l’attention des parents dont les enfants utilisent une tétine ou le pouce et que cette pratique est idéalement à proscrire au delà des 3 ans. Néanmoins, l’enfant doit être prêt à perdre cette habitude, éventuellement aidé de ses parents mais sans contrainte, en douceur (auquel cas les effets psychologiques pourraient être à redouter). Il faut donc l’aider à se sevrer de la sucette de façon progressive et l’encourager en le valorisant.
Que dire de tout cela ? Une fois encore, l’allaitement maternel constitue l’idéal pour nos petits et leur développement. Maintenant, « diminution des risques » ne signifie pas que l’anomalie ne se produira jamais.
Conclusion
La pratique de succion non nutritive prolongée, beaucoup plus fréquente chez les enfants non allaités, a un impact assez marqué sur les risques de malocclusion.
L’allaitement maternel (surtout lorsqu’il mené exclusivement pendant 6 mois) contribue à un développement oro-moteur idéal (bonne mise en place des crêtes alvéolaires, stimulation du muscle masséter, développement du palais optimal). De ce fait, il diminue les risques de malocclusions et de troubles du langage qui en découlent.
Par Michèle Caffin (tiré de l’article de Pascale BAUGE)
Références
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