Compléter les données acquises de la science par l’approche psychosomatique et holistique

« Le parodonte, c’est l’Homme fondamental ! » s’est exclamé un psychanalyste en assistant à une conférence que je donnais dans le cadre de la Société Française d’Odontologie Psychosomatique et Sciences Humaines en 2000.

Je m’étais questionnée depuis 5 ou 6 ans déjà sur l’intérêt des explications scientifiques données aux patients, en particulier les bactéries présentes dans la bouche responsable des infections parodontales. Ils étaient attentifs, écoutant avec sérieux ce que je leur restituais de l’enseignement que j’avais reçu moi-même de l’Université, puis approfondi en lisant les publications scientifiques internationales. J’appartenais bien évidemment à cette époque à la SF de Parodontologie et Implantologie Orale. Je savais appliquer et leur transmettre des savoirs.

Mais je sentais dans le regard des patients et le flottement qui suivait, une insatisfaction… Avant que ne tombe la question : « Merci de vos explications précises, mais… pourquoi moi j’ai ça et pourquoi maintenant ? ». Et aussi « Pourquoi mon dentiste habituel ne m’en a jamais parlé avant ? »

Leur attitude sérieuse découlait sans doute de leur volonté de se mettre à ma portée de spécialiste avec une sincère intention de comprendre mes explications par intérêt pour eux-mêmes, d’une part bien évidemment, mais peut-être aussi pour me faire plaisir. L’effet placebo était à l’œuvre. Et je sentais autre chose se manifester… Une question plus en profondeur, comme une porte qui s’ouvre vers le sens et la co-naissance. Quelle chance pour moi ! Ce sont les patients qui m’ont permis de devenir celle que j’étais déjà sans le savoir et que je suis devenue en conscience.

Au même moment de ma vie j’avais entrepris une psychothérapie, travail que je trouvais passionnant et tellement motivant que j’avais envie de le conseiller à tout le monde autour de moi. Et donc à mes patients. Enthousiaste j’ai toujours été et je le reste. Parfois à mes dépens. Car les dentistes que j’enseignais, que je formais, ont commencé par m’écouter avec surprise puis pour nombre d’entre eux avec confiance, mais d’autres aussi avec défiance.

En particulier mes collègues universitaires et comparses des sociétés scientifiques qui ont très vite cherché à m’éviter, me contredire, voir me faire passer pour une « illuminée » cf. le livre de Victoria MAS, Le bal des Folles. Avec la chirurgie plastique parodontale que je maîtrisais plutôt bien, et domaine dans lequel mes publications et démos vidéos me rendaient crédible, on me présentait parfois comme une magicienne. Arme à double tranchant qui invalidait du coup la reproductibilité et l’intérêt de mon enseignement. Idem avec mon approche psychosomatique. Je n’arrivais pas encore à dire holistique.

Maintenant je parle de médecine bucco-dentaire intégrative, un terme qui passe mieux sur le plan scientifique, sauf pour les derniers récalcitrants qui m’avouent toujours ne pas comprendre à quoi ça sert et où je veux en venir…

Ils ont peut-être raison car moi-même je ne connais jamais le bout du chemin et c’est tant mieux. Ainsi je cherche, je pérégrine, je m’égare et je persévère… A tort ou à raison peu importe. Je ne peux pas m’en empêcher.

Comme l’a dit Victor Hugo « Je ne peux ni ne veux rien cacher de ma pensée. Je vis et je pense à mes risques et périls.  Ce qui fait que par moments, j’ai l’air d’un imbécile. J’y consens. J’ai la fierté de ma bêtise. »

J’aime ce métier de dentiste chirurgien et réparateur. J’aime explorer la bouche, sa complexité, ses symboles, ce lieu d’expression de l’archaïque de l’être. J’aime les mémoires contenues dans les dents et ce que signifient les racines et le terrain dans lequel elles sont solidement ancrées ou non. C’est une lecture passionnante de la personne dans sa globalité, sa génétique, son microbiote, sa généalogie, son vécu, sa sensibilité, l’expression de sa psychologie. La bouche est expressive et explicative. En tant que dentistes nous sommes les témoins de la vie secrète des personnes qui nous confient cette intériorité mi visible, mi cachée, devant derrière, dedans dehors, et qui nous demandent de la réparation au sens matériel et psychologique, et peut être plus encore.

Dr Christine Marguerite ROMAGNA

En savoir plus sur ce thème lors de l’intervention du dr C. ROMAGNA pendant la MASTERCLASS ODENTH 2023
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